L’illusion de la passion rémunératrice

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"Je sais qui je suis quand je me sens à ma place dans ce que je fais."

Choisis un travail que tu aimes, et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie.

Confucius

Cet adage semble dorénavant parfaitement intégré dans notre société comme une vérité immuable. L’illusion qu’il véhicule, celle de l’amour éternel du métier choisi, est aujourd’hui devenu pour moi une pression sociale tellement grande que j’en suis venu à mentir quand on me pose la question si « tout va bien pour moi professionnellement ».

Cette phrase toute faite a planté en moi une graine qui me force tous les jours de ma vie à me comparer avec toutes celles et tous ceux qui exercent, la rage au cœur, un travail par dépit.

Alors, suis-je autorisé à m’offrir ces moments de fragilité ? Devrais-je les renier ? Ou bien chercher à les comprendre, à les étudier, pour en extraire leur substance ?

Depuis 2015, j’exerce un métier dont beaucoup rêvent. Vivre de ma passion. J’ai fondé ma propre entreprise, Street Hypnose, proposant pour la première fois en France une formation originale : apprendre l’hypnose ludique en hypnotisant des inconnus dans la rue. Dans un monde en quête de sens, ma voie semblait toute tracée. Je m’épanouissais quotidiennement dans une activité qui m’enthousiasmait.

Huit ans plus tard, je souhaite dévoiler un côté plus obscur de mon voyage. Une réalité souvent omise dans les contes de fées du succès entrepreneurial.

La fatigue, encore la fatigue

Mais cette fois, je ne parle pas de celle liée à ma pathologie.

Ma passion pour Street Hypnose m’invitait à ne manquer aucune opportunité. Je voulais former chaque stagiaire, de Lille à Marseille, de Rennes à Strasbourg, en passant par Bordeaux, Paris, Lyon. J’ai été de nombreuses fois en Suisse ou même en Belgique. Je voulais être omniprésent, multiplier mes présences, transmettre ma vision. Mais mon amour pour l’enseignement, mon désir de reconnaissance, ma fierté d’avoir trouvé une voie rémunératrice et épanouissante, m’ont conduit dans un labyrinthe de travail ininterrompu. Ma notoriété m’a entraîné dans un tourbillon incessant d’activités, sans repos, pendant des années.

HUNKAAR a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Mais tandis que ça coulait, je continuais. Droit dans le mur.

Le COVID-19 a mis brusquement fin à mon activité.

Le COVID-19 m’a sauvé.

Chaque fois que le burn-out me guettait, je me disais que ce n’était pas vraiment du travail et que je n’avais aucune raison de me plaindre. J’ai découvert à mes dépens que ma passion ne me protégeait pas de l’épuisement. Au contraire, elle m’a rendu encore plus vulnérable car j’ai ignoré passablement tous les signes de stress.

L’érosion de la passion

Cette transition post-COVID a engendré des bouleversements et des changements profonds dans mon rythme de vie. Mes émotions, troublées par cette transition, ont parlé à ma place, me faisant réaliser combien mon rapport à l’argent était ambivalent.

Ce qui fait mal, ce n’est pas la quantité d’argent qu’il me reste. J’ai la chance d’avoir encore un petit matelas de sécurité confortable. Ce qui me fait mal, c’est la chute de revenus. J’ai grandi dans la peur de manquer d’argent toute mon enfance, toute ma vie d’étudiant, et tout d’un coup j’ai eu plus d’argent que je ne pouvais décemment en dépenser. J’ai cru que j’étais en sécurité pour l’éternité. Ma passion était éternelle, mes revenus allaient forcément l’être aussi. Puis du jour au lendemain, tout s’est écroulé, il a fallu adapter mon niveau de vie en fonction de mes nouveaux revenus. Je suis redevenu monsieur tout le monde, mais avec deux crédits immobiliers insoutenables (mes locaux professionnels dont j’étais garant personnellement, plus une grande maison) qui représentaient à eux seuls deux fois mon nouveau revenu mensuel.

J’ai dû vendre. Vendre mes locaux. Vendre ma voiture. Me battre pour garder ma maison. Ce stress financier, cette peur de perdre mon toit, ont érodé ma passion. J’ai commencé à vouloir « vendre plus de formations » pour assurer ma sécurité financière.

Au fur et à mesure que les pressions financières s’accumulaient, mon métier est devenu davantage une contrainte qu’une source de satisfaction. Chaque formation se faisait avec la peur au ventre que ce soit la dernière et qu’on finisse par perdre notre toit avec Aurore.

Cet article est un pas vers l’acceptation. Je souhaite libérer Street Hypnose et HUNKAAR du poids financier, et retrouver l’émerveillement de ma passion intérieure.

Le travail c’est du travail

Tout comme il est acceptable de laisser le plaisir être du plaisir, je veux accepter que le travail soit du travail. C’est ensuite ma vision globale qui doit donner sens à mes efforts quotidiens.

Quand j’ai commencé à voir HUNKAAR comme une mission, j’ai compris que la motivation vient de l’action.

Avec HUNKAAR et Street Hypnose, je ne veux plus seulement me changer moi et « qui m’aime me suive ».

Je veux changer le monde.

Et je suis prêt à travailler dur pour ça.

Les revenus suivront.

Et s’ils ne suivent pas, il paraît que je ne suis pas un trop mauvais informaticien, et j’ai la chance d’aimer ça, alors j’aurais toujours l’opportunité de me reconvertir.

Plutôt que de me concentrer sur l’argent, je m’efforcerai désormais de me concentrer sur l’impact.

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2 réflexions au sujet de “L’illusion de la passion rémunératrice”

  1. Bravo, pour cette sincérité, cette lucidité. Faire un tel bilan n’est pas simple, trouver le ressort pour réamorcer la joie ne l’est guère plus !
    Mais là, on sent de l’alignement dans les pensées et dans les actions, du coup, on penserait facilement « ça va marcher ».
    Et c’est bien cette sincérité qui permettra d’éviter les prochains écueils de l’égo ou du mental.
    Rares sont les formateurs avec de telles qualités.
    Bonne continuation
    OP.

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