J’essaye en ce moment d’explorer et comprendre plus en profondeur le travail d’Otto Rank, psychologue et psychanalyste qui a écrit et étudié la psyché humaine mieux que personne. Moins connu que Freud, il est pourtant plus juste dans son exploration et ne possède pas toutes les limitations de Freud qui ramène toujours tout à la sexualité. Il est pour moi d’un niveau équivalent à Jung et possède une vision qui m’aide à parfaire l’équilibre de la méthode HUNKAAR.
Même si Rank est difficile à lire – ces ouvrages pouvant sembler assez fouillis – il a néanmoins mis au centre de ses explorations une notion si précieuse que j’ai choisi de la mettre au centre de la méthode HUNKAAR. Il a d’ailleurs écrit un livre entier à ce sujet dont voici une citation qui le résume bien.
If man is the more normal, healthy and happy, the more he can … successfully … repress, displace, deny, rationalize, dramatize himself and deceive others, then it follows that the suffering of the neurotic comes … from painful truth…. Spiritually the neurotic has been long since where psychoanalysis wants to bring him without being able to, namely at the point of seeing through the deception of the world of sense, the falsity of reality. He suffers, not from all the pathological mechanisms which are psychically necessary for living and wholesome but in the refusal of these mechanisms which is just what robs him of the illusions important for living…. [He] is much nearer to the actual truth psychologically than the others and it is just that from which he suffers.
Otto Rank – Will therapy: And Truth and reality
Voici une proposition de traduction réalisée par ChatGPT :
Si l’homme est d’autant plus normal, sain et heureux qu’il peut… réussir à… refouler, déplacer, nier, rationaliser, se dramatiser et tromper les autres, alors il s’ensuit que la souffrance du névrosé provient… de la vérité douloureuse…. Spirituellement, le névrosé est depuis longtemps là où la psychanalyse veut l’amener sans y parvenir, à savoir au point de voir à travers la tromperie du monde des sens, la fausseté de la réalité. Il souffre, non pas de tous les mécanismes pathologiques qui sont psychiquement nécessaires à la vie et sains, mais du refus de ces mécanismes, ce qui le prive justement des illusions importantes pour vivre…. [Il] est psychologiquement beaucoup plus proche de la vérité réelle que les autres, et c’est précisément de cela qu’il souffre.
Otto Rank – Will therapy: And Truth and reality
Le cœur de cette affirmation est que l’homme, pour fonctionner de manière « normale » dans la société, doit constamment distordre sa perception de la réalité et de lui-même. C’est dans ce contexte que la « normalité » est qualifiée de refus de la réalité. En effet, l’homme use d’un ensemble de mécanismes psychologiques – répression, déplacement, négation, rationalisation – pour déformer sa réalité intérieure liée aux mémoires émotionnelles et se prémunir de ses aspects les plus douloureux. C’est à travers ces distorsions que l’individu peut conserver une illusion de bonheur et de santé mentale.
En revanche, le névrosé ou le psychotique, ceux qui sont en souffrance, sont incapables d’utiliser à bon escient ces mécanismes de défense, et se retrouvent donc confrontés à leur réalité, brute. Leur souffrance provient d’une trop grande proximité avec leur « vérité » inconsciente beaucoup trop douloureuse pour pouvoir être affrontée. Le psychotique, dont les défenses ne fonctionnent plus, se retire du monde et se replie sur lui-même et ses fantasmes, ne faisant ainsi plus qu’un avec son monde intérieur, les lois de notre sociétés devenant tout à fait secondaires.
Rank dépeint souvent la souffrance comme étant liée à la proximité de sa propre vérité, tout en la refusant.
L’homme cultive sa santé mentale grâce au processus constant d’imagination et de croyance en une seconde réalité ou un monde meilleur que le sien : notre société.
La souffrance de sa vie intérieure apparaît chaque fois que l’ivresse de l’illusion extérieure se dissipe. L’homme préfère travailler et se noyer dans toutes sortes d’activités, happé par des besoins de sécurité et de reconnaissance dans la société, plutôt que de s’arrêter quelques instants pour oser regarder sa propre réalité douloureuse.
Quand la recherche de la normalité – recherche de confort et de sécurité – prend le dessus sur la recherche de la réalité, on n’est plus que l’ombre de nous-même. J’en ai été une victime pendant longtemps. Et même encore aujourd’hui, je continue à me déconstruire pour parvenir à mieux me rencontrer.
Toutes nos addictions (téléphone, alcool, tabac, jeux, séries, tv, le travail à outrance etc.) permettent d’éloigner quotidiennement le désespoir de la réalité telle qu’elle est vraiment ressentie à l’intérieur de notre corps. Notre plus grand talent en tant que citoyen sain n’est autre que celui du refoulement permanent.
Le déni de la réalité est un pilier fondamental de la santé mentale humaine, mais c’est aussi son pire ennemi : plus on refoule, plus la réalité remonte à la surface brutalement : migraines, douleurs, fatigue, insomnies, maladies, etc. Les coûts psychologiques et physiologiques que peuvent engendrer une proximité trop grande avec notre « vérité » sont aussi féroces qu’un éloignement trop grand.
Comme j’aime à le crier depuis des années, la clé, c’est toujours une question d’équilibre. Savoir se raconter les plus belles histoires (et non celles dictées par la société) pour se créer son bonheur dans l’illusion assumée, tout en osant affronter régulièrement sa réalité pour apaiser ses anxiétés archaïques. Parce qu’au final, notre passage sur Terre peut se résumer en deux mots : la vie et la mort.
Affronter ses peurs de la mort permet de mieux apprécier la vie.
Affronter sa réalité pour mieux profiter de son illusion.
Il faut un temps pour les deux.
L’illusion permanente et constante ne créera jamais le bonheur.
La fuite de soi n’est pas la solution.
Le défi pour HUNKAAR consiste donc à équilibrer ces deux aspects, permettant à l’individu de naviguer entre l’illusion nécessaire – se raconter la plus belle des histoires grâce au dialogue avec son inconscient, et l’acceptation de la réalité – exploration des mémoires émotionnelles difficiles, progressivement, et en sécurité.
Salut Manu
Ton articles est très intéressant
Merci de ces vulgarisations qui allument des bougies sur le chemin vers soi-même ❤️😘
Merci beaucoup pour ce commentaire Sylvaine !