Une femme vient consulter ; qu’est-ce qu’elle a ? Elle souffre de crises douloureuses et d’une sorte de troubles intestinaux. Elle est malade depuis huit ans et a essayé tous les traitements physiques. Elle en est venue à la conclusion qu’il devait s’agir d’un problème émotionnel.
Elle est célibataire et a trente-cinq ans. Elle me semble (et l’admet elle-même) assez bien équilibrée. Elle vit avec une sœur qui est mariée ; elles s’entendent bien. Elle aime la vie, va à la campagne en été.
Elle a quelques problèmes d’estomac ; pourquoi ne pas les garder, lui dis-je, car si nous parvenons à supprimer ces crises qui surviennent une fois tous les quinze jours environ, nous ne savons pas quel problème nous découvrirons en filigrane. Probablement que ce mécanisme de défense est son adaptation, probablement que c’est le prix qu’elle doit payer.
Elle ne s’est jamais mariée, elle n’a jamais aimé, elle n’a donc jamais rempli son rôle. On ne peut jamais tout avoir, c’est probablement le prix qu’elle doit payer. Après tout, quelle différence cela fait-il qu’elle ait de temps en temps des crises d’indigestion ?
J’en ai de temps en temps, vous aussi, probablement, et pas pour des raisons physiques, comme vous le savez peut-être. On a des maux de tête. En d’autres termes, la question n’est pas tant de savoir si nous sommes capables de guérir un patient, si nous le pouvons ou non, mais si nous devons le faire ou non.
Otto Rank – Jessie Taft
Je trouve cette citation pleine de sens. Otto Rank, après avoir étudié la psyché humaine sous toutes ses coutures, n’émet plus l’hypothèse de pouvoir aider ses patients à se débarrasser de symptômes purement et simplement, « sans contrepartie ». La baguette magique promise par tous ces thérapeutes modernes créateurs de miracles n’existe pas dans son expérience. La suppression réelle de symptômes psychosomatiques passe selon lui par une reconnexion au corps (remontée à la surface de souvenirs refoulés) qui peut amener des conséquences potentiellement encore plus inconfortables que le symptôme initial.
Il y a toujours un prix à payer.
- Statut quo.
- Gain : aucun effort à déployer.
- Prix à payer : endurer ses symptômes.
- Réassociation au corps.
- Gain : les symptômes disparaissent.
- Prix à payer : souffrance émotionnelle refoulée et inconnue.
- Suppression du symptôme « par des outils magiques ».
- Gain : les symptômes disparaissent.
- Prix à payer : inconnu et pernicieux.
Pourquoi Rank ne mentionne-t-il pas ces techniques prodiguant des miracles, telles que « Arrêtez de fumer en 1h d’hypnose », ou « Perdez 10 kgs en reprogrammant votre inconscient » ? Tout ceci n’est qu’une mise en scène marketing. Si vous parvenez à arrêter de fumer en 1h d’hypnose, il y aura un prix à payer, insidieux et surtout méconnu. Que ce soit des insomnies, de la prise de poids, une irritabilité démesurée, une dépression plusieurs mois plus tard, si le corps cherche à se rééquilibrer par le biais d’un symptôme, lui enlever purement et simplement va perturber l’équilibre émotionnel interne.
Pour lui, la guérison passe nécessairement par la confrontation à des souvenirs refoulés. Lorsqu’on en prend conscience, est-il toujours judicieux de chercher à se débarrasser de tel ou tel symptôme ? Nous ne cherchons alors plus seulement le confort absolu, mais nous entretenons par nos réflexions sur nous-même l’équilibre de notre intériorité. Parfois, nous acceptons des symptômes en comprenant leurs origines trop douloureuses à affronter, parfois nous cherchons à déterrer leurs racines pour en guérir.
L’important étant d’avoir une bonne stratégie.
La clé, à mes yeux, est d’avoir une boussole intérieure capable d’indiquer si cela vaut le coup d’explorer, en toute sécurité, ou non. C’est le rôle du Référent dans la méthode HUNKAAR.
Guérir est un acte de courage.
Ce concept peut sembler difficile à intégrer à notre quotidien. N’avons-nous pas tous tendance à chercher un soulagement immédiat de nos douleurs, un apaisement de nos symptômes ? Un médicament par ci, une méthode miracle par là. Comme le souligne Otto Rank dans sa réflexion, la véritable guérison requiert bien plus que le simple désir d’éliminer le malaise physique. Elle demande une acceptation du défi, une confrontation à nos démons intérieurs, qui ne peut être réalisée sans une certaine bravoure. Le courage, aussi, c’est d’embrasser ce chemin avec patience et compassion.
Lorsqu’il évoque le cas de cette femme, l’intention n’est pas de la blâmer pour son incapacité à résoudre sa douleur chronique, mais plutôt d’explorer la possibilité que le mal qui la ronge n’est pas seulement physique, mais aussi émotionnel et psychologique. Que le symptôme est un prix à payer pour conserver un équilibre qu’il n’est pas toujours bon de bouleverser. La douleur et la souffrance ne sont pas nécessairement le signe que quelque chose va mal, mais peuvent être des indicateurs d’une recherche d’équilibre maladroite, des signes que nous sommes en train de faire face à des problèmes émotionnels non résolus. Dans cette perspective, les symptômes physiques ne sont pas simplement des problèmes à résoudre, mais des messages du corps qui peuvent nous guider vers une meilleure compréhension de nous-mêmes et de nos besoins émotionnels.
La véritable guérison exige du courage. Il est important de rappeler que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de faire face à la peur. Le courage d’affronter nos douleurs les plus profondes, le courage d’entreprendre un voyage de découverte de soi, le courage de rester ouverts et réceptifs aux messages de notre corps.
C’est une leçon puissante, et une invitation à repenser notre relation avec notre corps et notre santé. C’est un acte de bravoure qui demande de la détermination, de la résilience, et surtout, une grande compassion envers soi-même.
C’est un voyage. Un voyage parsemé d’embûches, d’incertitudes, de douleurs, mais aussi de découvertes, d’apprentissages et, au bout du compte, de transformation.
Le courage de guérir permet de se redonner le droit de vivre.
bonjour
oui la guérison est un acte de courage, il n’est pas toujours facile de le reconnaitre.
Mais il est vrai que souvent nous nous pensons pleutre ou peu courageux ce qui revient un peu chose près à la même chose.
réapprendre que l’on a été courageux que nous le sommes souvent au quotidien peut etre un moyen de se redécouvrir et de fait entreprendre avec confiance ce nouveau voyage vers soi, non sans peur mais en confiance.
bises
Merci pour ces quelques mots qui sonnent particulièrement vrais à mon oreille.
Bonjour
Ces deux textes (ceux d’Otto et le tien qui enchaîne) sont superbes; chaque phrase, chaque mot, chaque virgule emporte mon adhésion totale.
Une thérapie que l’on débute, pour aller à la rencontre de nos émotions est aussi un acte de courage; même si on ne recherche pas une guérison mais l’acceptation, la compréhension, l’équilibre et l’harmonie. C’est pourquoi, il nous faut tant de bienveillance envers ces personnes qui nous font confiance pour engager cette thérapie. Leur reconnaître ce courage, ce n’est plus les considérer comme des gens qui « ont des problèmes » (sous-entendus des malades ») mais des personnes qui à l’inverse, ont le courage d’aller affronter.
Pour moi, ce sont des battants, que je reconnais en tant que tel et à qui je me dois de leur donner suffisamment de moyens, d’outils et d’énergies pour leur permettre d’avancer sur ce chemin, seuls ou accompagnés, au choix.
En fait, je crois que je viens de mettre en lumière mon « Fil d’Ariane », dans lequel je me suis pris les pattes il y a une décennie, et que je suis, les yeux fermés, sans m’en rendre compte depuis Hunkaar.
Le Fil m’a l’air solide, comme une soie, du moins suffisamment pour que je puisse lui faire confiance, et continuer à m’y accrocher.
Cool !
Merci Jean-Marie, tu vas me faire rougir haha.
Je suis 100% d’accord avec ta vision de tes clients.