La famille, autrefois pilier central de la société, a subi d’importantes transformations au fil de l’histoire. Je viens de terminer l’œuvre Sapiens : une brève histoire de l’humanité, écrite par Yuval Noah Harari. Au-delà de la simple recommandation de le lire à votre tour, j’aimerais m’en inspirer aujourd’hui pour écrire sur un concept clé pour moi : la famille.
Au cours de mon enfance, la figure de mon père était celle d’un voyageur, constamment sur la route, loin du foyer familial, travaillant « là-bas » pour ramener de l’argent « ici ». Ma mère, quant à elle, était l’ancre, le pilier central qui tenait notre maison. Nous n’avions aucune autre partie de la famille présente à moins de centaines de kilomètres. Cette structure familiale, devenue courante dans notre époque contemporaine, aurait été pratiquement inconcevable il y a 200 ans. Notre cerveau et plus généralement notre ADN n’a pas pu suivre la rapidité de l’évolution de notre espèce. Notre corps réagit encore comme si nous étions des chasseurs cueilleurs. La structure familiale règne encore dans notre cœur, même si elle n’est plus aussi omniprésente dans notre vie.
Avant la révolution industrielle, la famille était encore une unité absolue et indissociable. Unité économique. Unité éducative. Unité culturelle. Les parents et les enfants partageaient les responsabilités de la vie quotidienne, des tâches ménagères à l’éducation et même au soin des personnes âgées de la famille. Mon père, comme tous les pères de cette époque, aurait été un artisan, un fermier, ou un commerçant, travaillant souvent à proximité, voire dans la maison même. Et que l’on remonte à 20 000 ans en arrière, ou 200 000 ans en arrière, la famille a toujours été au centre de chaque vie d’être humain sur Terre.
Pour le meilleur comme pour le pire.
Je pense notamment à tous ces parents qui vendaient ou tuaient leurs enfants – sans conséquence étant donné qu’il s’agissait de leur propriété exclusive – pour des raisons qui aujourd’hui nous paraitraient inconcevables.
Aujourd’hui, dans une société où l’État et d’autres institutions prennent en charge certaines des responsabilités traditionnellement assumées par la famille, une structure familiale comme la mienne durant mon enfance est non seulement possible, mais aussi assez courante, et tout à fait viable.
Cependant, elle témoigne d’un changement monumental dans l’histoire de la famille, un changement qui s’est produit en à peine deux siècles, et qui amène sur la table son lot d’avantages et d’inconvénients.
L’Etat, ma seconde famille
J’ai eu des parents qui ont fait de leur mieux pour m’élever de la meilleure manière possible en fonction des armes dont ils disposaient.
Notre société d’aujourd’hui, de par sa recherche d’individuation poussée par le consumérisme capitaliste, nous offre le paradis et l’enfer en simultané. Le paradis d’abord parce que cette société nous permet de partir à la recherche d’un accomplissement personnel en tant qu’individu qui a le droit de cultiver sa propre histoire, et l’enfer ensuite parce qu’elle nous éloigne de la sécurité affective incarnée par l’entité unique « famille » si précieuse dans nos gènes.
Dans mon histoire, je n’ai pas eu qu’une famille.
Quand je suis parti du foyer familial à 18 ans, j’ai quitté ma première famille. J’étais désormais un adulte, prêt à voler de mes propres ailes et à un jour construire ma propre famille.
En tout cas c’est ce que je croyais.
Au fond, j’étais juste devenu l’enfant d’une seconde famille un poil plus grande : l’Etat français.
Mon éducation, mes finances, mon toit, mes déplacements
Si j’ai pu terminer mes études avec un BAC+5 Informatique en poche, ce n’est pas grâce à ma première famille. Et pourtant, c’est grâce à ce diplôme que je peux jouir aujourd’hui d’une vie d’entrepreneur avec une certaine sécurité si un jour je devais retourner dans le salariat.
Boursier à l’échelon maximal pendant cinq ans, j’ai disposé d’un « revenu » suffisant pour avoir un toit en plein centre de Toulouse. Hébergé pour quelques dizaines d’euros par mois en cité universitaire, et même si j’ai galéré deux ans dans un 9m² avec douches et toilettes communes qui a finalement été détruit trois ans plus tard pour cause d’insalubrité dans un grave incendie, j’ai quand même eu le privilège de pouvoir faire mes études dans une université à Toulouse. Mes parents n’auraient jamais pu m’offrir cette opportunité.
Par ailleurs, pour 10 euros par mois, je pouvais aussi me déplacer partout dans Toulouse en bus, en métro ou en tram, à volonté.
Je suis parti aussi un an en Ecosse dans une grande école privée d’Aberdeen pour obtenir un Bsc of Science grâce à d’autres bourses qui s’appelaient à l’époque « les bourses régionales ». Elles étaient obtenues sur dossier, et j’avais un bon dossier. Ma seconde famille m’aimait bien visiblement et j’en ai profité.
J’apprends à vibrer plusieurs familles
Merci à ma première famille.
Merci à ma deuxième famille.
Merci à ma troisième famille, celle que j’ai choisi et qui construit mon bonheur au quotidien : Aurore, Gayann, et…